Plan X : Exfiltrer tes enfants de leurs mauvais plans

Souviens-toi quand tu étais ado…

Quel qu’ait été ton degré de turbulence, Il y a une liste de conneries que tu étais fermement décidé à éviter. Commencer à fumer, parce que les opérations anti-tabac du Journal de Mickey et l’haleine de ta prof d’anglais t’en avaient dégoûté. Toucher à la drogue, parce que tu avais vu Trainspotting et Requiem for a Dream. Voler un bonbon ou une voiture, brutaliser un animal ou un camarade, sauter les cours ou sans protection, etc.

Mais, particulièrement quand on est ado, on peut se retrouver dans des situations sociales où faire une croix sur ses convictions semble plus simple que s’exposer à un jugement défavorable. Les avertissements du Journal de Mickey ne pèsent plus très lourd quand la fille dont tu es amoureux te tend une cigarette.

Il faut bien que jeunesse se passe ?

Les enfants peuvent se laisser aller à quelques transgressions sans en être durablement affectés. C’est aussi en prenant de mauvaises décisions qu’ils construisent leur capacité à vivre de manière indépendante. Mais autant faire en sorte quand même que jeunesse ne se passe  pas trop mal.

Bert Fulks, un enseignant américain impliqué dans l’accompagnement d’enfants en cure de désintoxication, a croisé de nombreux enfants dont la jeunesse a sérieusement mal tourné.

Il a constaté que 100% de ces enfants se sont retrouvé dans des situations qui ne leur convenaient pas et, pourtant, sont restés. Tout simplement parce qu’ils ne savaient pas comment partir. Lui-même père de 3 enfants, il a conçu le Plan X pour permettre à ses enfants de décider de s’esquiver de n’importe quelle situation.

Plan X : le texto de secours

Prenons Danny, le plus jeune fils de Bert.

Danny est à une fête. La soirée dégénère et il n’est pas à l’aise avec ce que son groupe d’ami fait/prévoit de faire.

Il envoie « X » par texto, à son père, sa mère ou son grand frère.

La personne qui a reçu le texto suit un script simple. Quelques minutes après avoir reçu le texto elle téléphone à Danny.

Danny décroche : Allo ?

Père, mère ou frère au bout du fil : Danny, il s’est passé un truc. Je dois passer te récupérer tout de suite.

Danny mimant la nonchalance adolescente : Oh ? Qu’est-ce qu’il s’est passé ?

Père, mère ou frère au bout du fil : Je t’expliquerai. Je suis en route, j’arrive dans 5 minutes.

Si Danny dispose d’un moyen de locomotion ou de transports en commun, ajuster le script en lui demandant de se mettre en route.

Danny peut alors expliquer à son groupe d’amis qu’un truc s’est passé chez lui et qu’il doit rentrer. Il esquive la situation qui le met mal à l’aise sans perdre la face socialement. Il appuie sur « pause ». Il aura le temps de peaufiner un texto crédible d’explication de son départ. Il pourra réfléchir tranquillement à ce qui l’a dérangé, et décider du comportement qu’il souhaite adopter à l’avenir par rapport à ça.

Surtout, AUCUNE QUESTION NE LUI SERA POSÉE. C’est le deal. Même s’il n’est pas là où il était supposé être. Même s’il sent l’alcool ou la cigarette. Le Plan X permet à Danny de se mettre en retrait de comportements qui lui paraissent trop graves, sans avoir peur de se faire engueuler pour les premiers barreaux d’une échelle de conneries qu’il choisit d’arrêter de grimper. Il ne s’explique que s’il a envie de s’expliquer.

Une seule exception : si Danny sait que quelqu’un est en danger, il a l’obligation de le dire à ses parents, quel qu’en soit le prix à payer pour lui.

Questions-réponses avec Bert Fulks

La publication du Plan X sur le blog de Bert Fulks a généré des MILLIONS d’interactions sur Facebook, Twitter et même LinkedIn. Il a reçu quelques questions qui lui ont permis de préciser sa pensée.

Est-ce que cela n’encourage pas à mentir ?

Au contraire selon Bert. Cela apprend aux enfants à ne pas craindre de dire la vérité (il s’est passé quelque chose qui leur a donné envie de partir) tout en leur rappelant qu’ils ne sont pas obligés de tout dévoiler. Même pas à leurs parents. Et surtout pas à leurs amis. Si on leur demande des explications sur leur départ, ils pourront répondre, sans mentir : « C’est personnel et je préfère ne pas en parler. »

Est-ce que cela n’handicape pas l’enfant socialement plutôt que lui apprendre à tenir tête ?

Même pour un adulte, tenir tête à un groupe n’est pas évident. Offrir à un enfant un moyen d’esquiver la confrontation ne l’empêche pas d’apprendre à s’affirmer.

Et si cela devient une habitude ?

Le Plan X a vocation à être une exception. S’il se répète trop fréquemment, il y a effectivement une discussion à avoir.

Ne devrait-il pas y avoir des conséquences si l’enfant n’est pas là où il devait être ?

La peur d’être puni risque d’empêcher l’enfant de demander de l’aide. Admettre qu’il a perdu le contrôle d’une situation et qu’il a besoin qu’on vienne le chercher est déjà une sacrée leçon de vie.

Bien sûr, le plan X peut être adapté aux convictions et conditions de chaque famille. L’idée principale est de prévoir et de communiquer clairement à l’enfant le déroulé d’un scénario d’urgence AVANT que les choses ne tournent mal. Les hôtesses de l’air n’attendent pas qu’un réacteur soit en feu pour informer les passagers de la position des issues de secours.

Amour et confiance, à partager !

En instaurant une forme de Plan X, tu offres à ton enfant un joker pour se tirer d’une situation périlleuse, même si vous savez tous les deux qu’il n’aurait jamais dû s’y retrouver. Tu lui rappelles que ton amour inconditionnel prévaut sur les « détails » éducatifs qui peuvent vous opposer.

Parce que tu acceptes (exceptionnellement) de ne pas faire de commentaire sur sa conduite, ton enfant a une meilleure maîtrise de ses dérapages éventuels. Cette preuve de confiance pourra l’encourager, d’une part, à se fier à son instinct (« je ne le sens pas là ») et, d’autre part, à se confier plus ouvertement sur les difficultés dans lesquelles il s’est fourré.

Ce n’est pas grand chose. Mais si c’est une légère chance en plus d’éviter à un enfant un improbable mais néanmoins possible accident de la vie, cela vaut sûrement le coup d’en parler à ton enfant (si tu as un ado), à tes amis (qui ont des enfants ados), voire à tes parents (si tu es un ado) !