Pourquoi chaque choix éducatif est unique (et comment faire les tiens)

Données données do-o-onnées

Dans son dernier livre « Cribsheet« , Emily Oster s’est fixé une double mission : t’aider, de la naissance du bébé au jardin d’enfant, à prendre des décisions parentales (1.) informées et (2.) qui fonctionnent pour TA famille. Car en plus d’être maman, Emily est économiste. Ce qui lui confère 2 super-pouvoirs parentaux :

  1. Elle est capable d’analyser de manière critique les données sur lesquelles se basent les études qui veulent nous aider à être de bons parents. Du genre « Les enfants qui ne mangent pas de savon sont plus intelligents » et autres « porter des pantalons en velours peut endommager l’estime de soi« . Elle en tire ainsi ses propres conclusions éclairées.
  2. Elle a l’habitude de concevoir le choix comme le résultat de l’évaluation rationnelle des besoins, moyens et contraintes d’un agent économique, parent ou entreprise du CAC40. Point d’émotivité donc, ni d’influence de l’entourage. Chaque décision est unique et logique.

Mais pourquoi au fait est-ce que ce principe de choix éducatif propre à chaque famille (de l’allaitement au style de parentalité) n’apparaît pas comme une évidence ? Pourquoi est-ce que tout le monde semble connaître LA bonne réponse ? Et pourquoi est-ce que personne n’a la même ?

Les recommandations du corps médical

L’objectif des recommandations générales du corps médical est de prévenir les risques, et d’améliorer la santé publique globale. Ainsi, par exemple, quand tous les médecins et personnels médicaux français se sont mis à recommander de faire dormir les bébés sur le dos, le taux de mort subite du nourrisson en France a diminué de 75%.

Autre exemple international : l’Organisation Mondiale de la Santé recommande l’allaitement exclusif jusqu’à au moins 6 mois. Pour tous les parents. Partout dans le monde. Donc aussi dans des endroits où l’accès à l’eau potable pour un nourrisson est incertain. Où la conservation correcte des laits en poudre n’est pas garantie. Où les produits de nettoyage des biberons ne sont pas disponibles. On comprend donc bien comment cette recommandation mondiale peut sauver la vie de nombreux bébés. Mais cela ne signifie pas que, dans des conditions d’hygiène correctes, on met en danger son bébé de moins de 6 mois en le nourrissant au biberon.

Pour avoir de d’impact, les recommandation médicales générales doivent être claires, simples, indiscutables. On ne peut pas se payer le luxe de la subtilité. Exit l’analyse des cas particuliers. Donc, même s’il est nécessaire de prendre en compte ces conseils, il vaut mieux pour les appliquer correctement chez soi comprendre le « pourquoi » de chaque « comment ».

Nous verrons ainsi plus loin comment Jonathan et Noémie, un couple de jeunes parents parisiens, sont parvenus, en revenant aux bases du problème, à se sortir d’une situation parentale exigeant un choix délicat : « notre bébé ne voulait dormir que sur le ventre, mais c’était IN-TER-DIT de le laisser dormir sur le ventre. Donc, on s’empêchait de dormir pour être bien sûrs de le remettre sur le dos, et le réveiller… »

Pourquoi chacun est-il convaincu de connaître l’unique bon choix ?

S’il n’y avait que les médecins qui étaient convaincus d’avoir raison, la vie serait facile pour les jeunes parents. Mais il y a aussi : les ami.e.s, les parents, les beaux-parents, les cousin.e.s, les vieilles dans la rue, les vieux dans le train, et pas mal d’inconnu.e.s sur internet.

« Tu ne devrais pas le garder trop longtemps dans les bras. » « Ce n’est pas très bon de la laisser pleurer comme ça. » Pourquoi est-ce si difficile de se retenir de donner son avis quand on voit un parent qui a fait des choix éducatifs différents des nôtres ? Il y a 2 explications psychologiques à cela :

  1. On veut (presque) tous être de bons parents et faire ce qu’il y a de mieux pour nos enfants. Or si d’autres comportements sont acceptables, c’est peut-être que notre choix n’était pas le meilleur ! D’où dissonance cognitive. D’où « j’ai raison, ils ont tort« .
  2. D’autant qu’une décision éducative n’est pas seulement une décision. C’est aussi un gros effort de mise en oeuvre. Si on a été vigilant à chaque instant depuis la naissance de Joseph pour qu’il ne voit AUCUN écran avant ses 3 ans (« j’ai dû faire un détour pour éviter l’écran de publicité dans la vitrine de la boulangerie« ), on risque d’être peu tolérant à la vue d’un enfant de 2 ans qui déverrouille tout seul le smartphone de ses parents. Surtout s’il a le toupet, en plus, de ne pas avoir l’air complètement dégénéré ! « J’ai trop investi sur ma conviction pour laisser quelqu’un la remettre en question« .

À part pour ce qui est obligatoire (comme les vaccins) ou interdit (comme la fessée), on gagnerait certainement tous à accepter que chacun fait ce qui fonctionne pour sa famille (et comme il peut), et que c’est très bien comme ça.

Le choix dans la data

Ça n’interdit bien sûr pas de donner ou de recevoir des conseils (ouf, tu peux continuer à lire Le Paternel), bien au contraire (ouf, tu peux carrément t’abonner à la newsletter du Paternel). Pour construire un choix éducatif solide, il faut d’abord s’informer sur les avantages et inconvénients de chaque option.

Exemple : de quel côté faire dormir mon bébé ?

Sur le côté :
👎 Il ne tient pas tout seul. Il lui faut une cale, et il n’est pas recommandé de mettre quoi que ce soit dans le lit avant 6 mois
👍 Cela réduit les risques de tête plate (si on pense bien à alterner les côtés)

Sur le ventre :
👎 Cela augmente le risque de mort subite du nourrisson
👍 Cela réduit les risques de tête plate

Sur le dos :
👎 Cela augmente les risques de tête plate
👍 Cela réduit le risque de mort subite du nourrisson, et c’est ce qui est recommandé par le corps médical

⚠️ Souvent, on exagère les bénéfices des options socialement favorisées, et on minimise leurs inconvénients.

Une fois cet état des lieux posé, on passe les données au crible de nos préférences personnelles (« j’aime cuisiner des purées maison et je veux donner des produits sains à mes enfants ») et de nos contraintes particulière (« mais les légumes bio sont trop chers dans mon quartier, et mon enfant préfère les petits pots« ) pour construire une décision (« on va le nourrir de petits pots bio« ).

Dans l’exemple de la position de sommeil, les préférences jouent peu (à part si on a un vrai gros problème avec le risque de tête plate), mais on peut, comme Jonathan et Noémie, se retrouver face à une contrainte de taille : un enfant qui ne s’endort et ne reste endormi QUE sur le ventre. Pendant plusieurs mois, les courageux parents se sont relayé pour :

  • surveiller le bébé pendant qu’il s’endormait sur le ventre
  • attendre quelques dizaines de minutes en continuant de le surveiller
  • le mettre délicatement sur le dos
  • filer dormir un peu en attendant qu’il se réveille, très peu de temps après

Ils accumulaient la fatigue, et culpabilisaient de plus en plus d’empêcher leur enfant de dormir correctement. Puis ils ont eu une révélation : s’ils s’imposaient tout cela, c’était pour réduire le risque de mort subite du nourrisson. Or, il existe des dispositifs à installer sous le matelas pour surveiller la respiration et le rythme cardiaque du bébé, et lutter contre l’effrayant syndrome.

Après quelques recherches et conseils médicaux, ils ont installé un de ces capteurs. Désormais certains d’être réveillés par une forte alarme à la moindre anomalie, ils ont laissé leur bébé dormir dans la position de son choix, et ont eux aussi retrouvé le sommeil (à part les rares terrifiantes fois où le dispositif s’est déclenché par erreur…).

Toi-même tu sais

Fais-toi confiance. Tout le monde peut connaître les bénéfices et inconvénients d’un choix parental donné (et encore, leurs sources peuvent être moins fiables que les études analysées dans « Cribsheet« ), mais toi seul peux connaître les préférences et contraintes de ta petite famille.

 

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Photo : Vinicius Costa