Franchement, qui n’a jamais oublié de mettre une pièce sous l’oreiller de son enfant pour la petite souris, une fois, deux fois… trois fois ?
Ah non. Pas encore le cliché du père désespérément maladroit et détaché, pas doué pour s’occuper de ses enfants ? Et bien non, justement. Malgré leur titre, les quatre tomes de la BD « le Guide du Mauvais Père » nous régalent d’hilarantes scènes de vie d’un papa certes imparfait, mais franchement impliqué dans sa paternité.
Si Dolto te paralyse avant même de l’avoir lue, si tu t’es déjà demandé comment être un bon père sans licence de pédo-psy, Guy Delisle, héros de tous les pères modernes en recherche de repères, est là pour toi. Avec un secret tellement simple qu’on a l’impression qu’on le savait déjà : un paternel décontracté est un excellent père qui s’ignore. En plus, c’est une BD. Tu devrais donc réussir à en lire au moins 4 pages par soir avant de t’endormir.
Frénétiquement fans de son humour, et curieux d’en savoir plus sur le vrai père qui se cache derrière ce « Mauvais Père » on est allés lui soutirer quelques bonnes leçons de parentalité.
Guy Delisle, portrait d’un père qui se réveille un matin… papa au foyer

Le dessinateur Guy Delisle débute dans l’animation et collabore avec des studios aux quatre coins du monde. Il en profite pour commencer une carrière parallèle de chroniqueur BD de ses propres expériences. Chroniques de Shenzhen, Chroniques birmanes, Chroniques de Jérusalem… On se paye une bonne tranche de rigolade en suivant les pas de ce célibataire bientôt papa de deux enfants, Louis et Alice. Et voilà : Madame Delisle travaillant d’arrache-pied comme expatriée, Monsieur Delisle désormais auteur à plein temps se retrouve père au foyer. De la géopolitique à l’éducation : des champs de bataille plus similaires qu’on ne le pense !
Prendre des responsabilités, assumer le quotidien avec les enfants… Si on m’avait détaillé le plan dès le début, j’aurais dit « oh non hors de question, moi je veux bosser sur mes BD. »
Les Chroniques se transforment en Guides du Mauvais Père. Ou comment être une figure paternelle d’autorité quand on a soi-même envie de passer sa journée à dessiner. Comme il nous l’avoue lui-même, « je pensais que le premier Guide serait le dernier ». Depuis, il en a légué 4 à la postérité. « Maintenant, ils sont trop grands. L’adolescence, c’est plus complexe, moins fun à raconter. » Et après ? « Le Guide du Mauvais Grand-Père, oui j’y pense, j’ai déjà des idées ! » On lui glisse qu’on espère que ce n’est pas pour tout de suite. Après tout, son fils aîné n’a que quinze ans.
Mettre un peu du biberon de ton enfant dans ton café quand tu es à la dèche de lait : c’est OK
« C’est avec cette anecdote que j’ai eu l’idée du Guide du Mauvais Père. Parce que je l’ai vraiment fait, oui. Comme une bonne partie des gags de mes BD. Le reste j’y ai pensé, mais je n’ai pas osé ! ». Comme forcer son fils à se taper des heures de jeux vidéo ou le mettre à fumer pour l’en dégoûter à tout jamais ? On comprend. C’est rassurant, notre Mauvais Père en chef sait s’autocensurer.
Leçon numéro un. Savoir se marrer, mais sans tomber dans le grand n’importe quoi.
Quand je me dis : « ça, il ne faudrait pas le faire », c’est déjà trop tard : il faut que je le dessine. Ça me défoule et ça me fait beaucoup rire.
Leçon numéro deux. Les parents aussi ont besoin de décompresser, et pas que dans la piscine à boules. Un parent stressé n’apporte rien de bon à un enfant.
D’ailleurs, pour aider son fils à se défouler, Guy lui installe un punching-ball. Et pour le motiver, voilà qu’il lui conseille :

Alors, bonne ou mauvaise idée ?
À ma grande honte, je lui ai vraiment dit ça. Et le voilà qui se met à taper comme un bourrin ! C’est une gaffe, certes, mais qui reste drôle. Il faut bien comprendre que derrière tout ça se trouve beaucoup d’amour.
Leçon numéro trois. Père à l’arrache ou pas, le secret est là : montrer tous les jours à vos rejetons que vous les aimez. Et qu’ils n’en doutent surtout jamais.
Pour rigoler, le Mauvais Père se sert de la mère des enfants comme faire valoir : pas (trop) OK
Dans le Guide du Mauvais Père, la maman apparaît de temps en temps comme « vraie » figure d’autorité. A tel point que Guy souffle à ses enfants « ne dites rien à votre mère hein ». Un truc de scénariste de BD ou un reflet de la réalité ? « Ce Guide, c’est surtout les enfants et moi. Donc forcément je lui donne toujours le mauvais rôle ! Je vous rassure, ça la fait rire. C’est assez drôle d’imaginer que le père fait porter le blâme sur la mère, parce qu’en vrai il faut quand même faire cause commune. »

Leçon numéro quatre. Même si c’est moins marrant, accordez les violons avec votre compagne lorsqu’il s’agit de sujets sérieux à aborder avec vos enfants. Enfin essayez, au moins.
Faites gaffe aux enfants : ils lisent le Guide du Mauvais Père en cachette !
Une raison de plus pour vous mettre à la page.
« Une bibliothécaire m’a dit que les enfants empruntaient énormément le Guide du Mauvais Père. Je l’ai aussi constaté en dédicace. Les enfants pensent qu’ils vont avoir accès à un coffre-fort où seront dévoilés les secrets des parents. Qu’ils vont enfin comprendre comment fonctionne leur père. » Et ses enfants à lui ? « Ils adorent. Quand je travaillais sur un nouveau Guide, ils voulaient connaître les histoires que j’allais mettre dedans. Et là, c’était horrible. Quand je leur raconte un gag par oral, ça tombe toujours à plat, ils ne trouvent pas ça drôle. Ce qui me déprime à tous les coups ! »
Leçon numéro cinq. Les enfants sont plus malins qu’on ne le pense. Evitez de leur raconter n’importe quoi ou de leur cacher des choses qu’ils finiront par apprendre autrement, et pas toujours bien.
Le conseil exclusif de Guy Delisle aux lecteurs du Paternel
« Suivre mes Guides à la lettre ! », se marre-t-il soudain. Il complète, inquiet au cas où nos lecteurs n’auraient aucun second degré :
J’ai des copains jeunes papas qui avaient l’air d’angoisser. Je leur disais : « ça se fait tout seul. C’est les enfants qui nous montrent, c’est eux qui nous font devenir parents. »
Et des ouvrages de parentalité « sérieux », il en a lu, lui ? « Bien sûr. Halmos (France Inter), Dolto, Ruffo… C’est passionnant. Même si on n’a pas d’enfant, au moins pour savoir comment leur parler. »

Le meilleur Mauvais Père d’entre nous termine sur l’éloge d’un certain sérieux : « Il faut quand même rester droit dans ses bottes et ne pas trop se détendre. Si on dit un gros mot à table, après pour rattraper le coup, ça prend une semaine et demie ! Avec les enfants, chaque écart, c’est du boulot… Donc voilà : mes dessins, c’est une soupape de décontraction pour souffler de mon boulot de père au quotidien ! »
Ah. Il est là alors, le secret du bon père. Et toi, ta soupape c’est quoi ?
Dessins : Guy Delisle
Photo de Guy Delisle : Selbymay