Une famille homoparentale, c’est un couple de personnes du même sexe qui élèvent un ou plusieurs enfants. Avec deux papas ou deux mamans, donc.
Le terme refait surface de temps en temps dans l’actualité. Et justement, on en parle ces derniers temps. La raison ? Le nouveau projet de loi de bioéthique en cours de discussion, qui ravive la flamme des défenseurs de la famille traditionnelle. La « vraie », l’hétérosexuelle, celle qui rend (forcément) les enfants heureux.
Alors penchons-nous sur le sujet. Qu’en est-il de ce projet de loi de bioéthique ? Qui cela concerne-t-il ? Et comment s’en sortent-elles vraiment, ces familles homoparentales ?
La famille homoparentale et la loi de bioéthique
La loi de bioéthique a pour rôle de définir les limites de la recherche « sur le vivant » et de la pratique de la médecine. Son objectif : assurer le respect de la dignité de la personne humaine (éviter par exemple que le corps humain puisse être monétisé).
Ce vaste domaine législatif couvre en particulier les pratiques médicales liées à la procréation (gamètes, embryons, grossesse, etc.), et les problématiques de filiation connexes.
C’est donc par la révision de la loi de bioéthique que pourrait évoluer la législation sur les revendications principales des associations de familles homoparentales, pour les couples de femmes :
- la PMA pour toutes les femmes, y compris homosexuelles et célibataires (actuellement, uniquement accessibles pour les couples hétérosexuels pour pallier l’infertilité de l’homme ou de la femme)
- la reconnaissance immédiate de la filiation de « l’autre » mère (à l’heure actuelle, seule la mère biologique est inscrite sur l’acte de naissance ; l’autre mère peut ensuite, si le couple est marié, déposer une demande d’adoption plénière qui donne lieu à une enquête administrative)
- l’accès des enfants issu de don à leur histoire génétique (pour l’instant, l’anonymat du don de sperme est garanti)
Le nouveau projet de loi de bioéthique qui sera examiné par l’Assemblée Nationale à partir du 24 septembre pourrait y répondre de la façon suivante :
L’extension de la PMA
La PMA pour toutes, remboursée par la Sécu, conditionnée à une vérification du projet familial.
La filiation immédiate des deux mères
Les couples de femmes ayant recours à la PMA pourront effectuer une « déclaration commune anticipée » devant notaire. Les deux mamans figureront donc immédiatement sur l’acte de naissance.
La fin de l’anonymat génétique
Les enfants issus d’un don de sperme auront la possibilité, une fois majeurs, d’accéder à des informations non identifiantes sur le donneur (caractéristiques physiques, formation, profession, etc.). Et de le contacter, si celui-ci donne son accord.
Et pour les autres (ou pas)…
La GPA (la gestation pour autrui, c’est-à-dire le fait d’avoir recours à une mère porteuse) ne sera pas abordée dans cette révision de la loi de bioéthique, et restera donc interdite en France.
Le projet apporte enfin une autre nouveauté qui concerne aussi bien les (futurs) parents hétérosexuels qu’homosexuels : l’autorisation pour toutes et tous de conserver ses gamètes par congélation à partir de l’âge 35 ans.
Combien de familles homoparentales ? Combien d’enfants concernés ?
Puisque les familles homoparentales reviennent sur le devant de la scène, faisons un petit exercice d’évaluation du nombre de personnes concernées en France.
Pas si facile !
Le rapport officiel de l’INSEE le plus récent, Le couple dans tous ses états, remonte à 2013. C’était il y a 6 ans et le mariage homosexuel venait tout juste d’être légalisé, d’où un potentiel retard statistique accumulé depuis.
On y apprend tout de même que :
- 200 000 personnes sont en couple avec une personne du même sexe. Soit 100 000 couples homosexuels ;
- Ces personnes sont plus diplômées que la moyenne française ;
- Environ 1 couple homosexuel sur 10 réside avec au moins un enfant, et 80% des couples résidants avec un enfant sont des couples de femmes ;
- Comme nous sommes tous des cracs en maths, on en déduit qu’il y aurait environ (avec une énorme louche) 10 000 familles homoparentales en France. En tout cas en 2013.
À partir de là, les paris sont ouverts. Certains estiment entre 20 000 et 40 000 les enfants vivant au sein d’une famille homoparentale, tandis que l’ADFH (Association des familles homoparentales) cite le nombre de 250 000 enfants, soulignant les cas où le couple ne vit pas ensemble ou bien quand les enfants vivent ailleurs.
Bref, le décompte exact n’existe pas. Ce que l’on sait, par contre, c’est que ces enfants… vont bien.
Les enfants vont bien, merci.
S’il y a bien un point qui met tout le monde d’accord, c’est que le bien-être des enfants prime. Les détracteurs de la PMA pour toutes sont les premiers à le mettre en avant. Pensez aux enfants, bon sang de bonsoir !
Justement, pensons-y. De plus en plus d’études menées dans divers pays
comparent le développement des enfants issus de familles hétéroparentales vs.
homoparentales. Et concluent avec une rigueur toute scientifique que les enfants
élevés dans une famille homoparentale s’en sortent aussi bien, voire mieux, que les
autres.
Une récente étude menée par des économistes européens sur la population hollandaise depuis 1995 démontre ainsi que les enfants issus de familles homoparentales réussissent mieux à l’école que les autres. Est-ce parce que les « homoparents » sont plus diplômés que la moyenne (cf. plus haut) ? Même en corrigeant ce biais statistique, les chercheurs identifient un léger avantages scolaire pour les enfants élevés dans des familles homoparentales.
« Une étude ça ne prouve rien ! », rétorqueront certains.
C’est vrai, soyons fair-play. Mais 75 études ? Selon une enquête de The Guardian, parmi les 79 études sur le sujet dernièrement publiées dans diverses revues scientifiques, 95% affirment que les enfants élevés dans une famille homoparentale s’épanouissent aussi bien que les autres, que ce soit scolairement, physiquement ou émotionnellement. Sans, qui plus est, que cela ne laisse présager de leur orientation sexuelle à eux.
On y revient toujours : la parentalité est une question d’amour et de sécurité
Comment expliquer ces « bons » résultats des familles homoparentales ? Voici
quelques pistes :
- Parce que les parents de familles homoparentales sont plus impliqués dans le projet bébé (parce qu’il en faut, de la motivation, pour y arriver) ;
- Parce que les parents de familles homoparentales parviennent souvent à créer un partage parental plus équilibré et donc un contexte familial plus serein pour les enfants. Comme le formule cette étude canadienne : Gay dads make great dads !
- Parce que les parents de familles homoparentales sont souvent plus ouverts et plus tolérants.
Qu’est-ce alors qui pourrait entraver l’épanouissement des enfants issus de familles homoparentales ? Le regard des autres plus que l’orientation sexuelle des parents, peut-être ?
Quand on sait qu’en Norvège… « Il y en a marre des pays nordiques, champions du progrès social ? » Oui, mais quand même ! En Norvège, la gay pride se célèbre à la maternelle, pour rappeler aux enfants issus de tous types de familles qu’il n’y a pas de modèle familial « anormal », tant que les enfants reçoivent la dose nécessaire d’amour et de sécurité pour bien se développer.
Alors on finit par se dire que la seule chose qui pourrait vraiment nuire à ces enfants, ce serait des gens « bien comme il faut » munis de pancartes. Des pancartes (ou des tweets) qui affirmeraient à ces enfants, et à la société toute entière, que leur famille n’est « pas normale ».
Ça, oui, on imagine que ça peut faire des dégâts.
Photo : Sharon McCutcheon