Comment préparer ton enfant à être champion du monde dans 20 ans

Pour aborder cette difficile mais nécessaire question, nous accueillons un rédacteur invité éminemment spécialiste du sujet : Fabien Bossuet, préparateur physique à l’Olympique de Marseille, et papa de 2 enfants.

Une histoire magique qui se répète

Il y a 25 ans, les « jeunes » parents que nous sommes aujourd’hui étions enfants, ou ados. Nous vivions le rêve éveillé de la Coupe du Monde 1998 en France. L’effervescence de la compétition et son retentissement planétaire ont attiré tous les regards sur la pratique footbalistique. La saison suivante, les clubs de la Fédération Française de Football ont enregistré une explosion du nombre d’inscrits. Chaque enfant voulait devenir le Zidane, Henry ou Barthez de sa génération. Les jeunes parents de l’époque n’hésitaient pas non plus à projeter ce rêve dans leur progéniture : en témoigne l’explosion post-Coupe du Monde du nombre de bébés prénommés Zinedine et Bixente…

Il y a 5 ans, l’histoire se répétait magnifiquement avec une deuxième étoile française pour la Coupe du Monde 2018. Mais, la Coupe du Monde 2022 nous sert d’avertissement : il est possible que 20 longues années séparent encore l’obtention de notre troisième et de notre deuxième étoile. Alors projetons-nous sur la Coupe du Monde 2038. Celle où certains de nos enfants auront l’âge d’endosser le maillot bleu. Et si nous avions une toute petite part de responsabilité dans la préparation d’une victoire de demain ?

Il joue « I will survive » sur son saxophone

La magie de la victoire d’aujourd’hui suffira-t-elle à faire éclore les champions de la génération suivante ? À part baptiser nos nouveaux-nés Kylian, Paul ou Hugo, que pouvons-nous faire pour créer un terrain propice à l’épanouissement de nos futurs vainqueurs ? Et, plus prosaïquement, existe-t-il des « techniques » pour optimiser les chances de nos enfants de s’accomplir dans une discipline sportive ?

Mon rôle passé d’éducateur-entraîneur m’a permis d’observer au bord des terrains de football le rôle majeur des parents dans la pratique sportive de leurs enfants. En confrontant mon expérience de la formation de joueurs de haut niveau, mon rôle de papa, et ma connaissance du développement sportif de l’enfant, j’ai pu identifier 3 grandes phases pour le papa-éducateur.

1. De 0 à environ 7 ans : jouer en toute liberté

Faut rigoler, pas s’entraîner

La notion de plaisir est fondamentale. Un jeune enfant qui ne s’amuse pas se lasse en un rien de temps. Alors, jouons simplement à la balle, laissons faire, n’essayons pas d’expliquer des règles qui passent très loin au-dessus de la tête de l’enfant. Attraper à la main, plutôt que jouer au pied, n’est pas un frein aux apprentissages d’un futur footballeur. Au contraire, c’est une étape importante dans la construction de son bagage moteur.

Il faut de tout pour faire un athlète

Seule « contrainte » : varier les plaisirs au maximum. Toutes les idées sont bonnes. Avec ou sans ballon, grimper, attraper, rouler, tomber. Jouer à la balle debout, assis, allongé, etc. Un riche panel d’activités nourrit le développement psycho-moteur de l’enfant.

Et ne voyons pas tous ces jeux comme des activités d’acquisitions mais vraiment comme des jeux : pour la traversée de la rivière de crocodiles, mieux vaut mimer sans arrière pensée les dangereux reptiles qu’évaluer du coin de l’oeil la capacité d’équilibre de l’enfant. Tout est apprentissage chez l’enfant. Les acquisitions sont réelles et impressionnantes. Autant ne pas risquer de casser l’ambiance avec une check-list de compétences à acquérir.

2. À l’âge de l’entraînement, fixer les bases

« Tu me fais un entraînement »

Je constate que c’est souvent vers l’âge de 7 ans que la notion de pratique apparaît et que l’enfant passe du « papa, tu viens jouer avec moi? » au « tu me fais un entraînement ? ». Il commence alors à prendre plaisir à réussir, à avoir envie de réussir à nouveau. C’est alors que l’envie de répéter s’installe chez certains enfants.

Une fois que l’enfant est volontaire pour s’entraîner, à toi de concentrer ses efforts de répétition et de correction sur les gestes qui comptent.

Verrouiller cette cheville

La base de toutes les frappes footballistiques : une cheville bien verrouillée. Si la cheville est lâche, le coup de pied est moins efficace, et la blessure vite arrivée.

Entraîner les deux pieds

Si ton enfant progresse un tant soit peu dans sa carrière de footballeur/euse, sa capacité à jouer avec les deux pieds lui rendra de fiers et nécessaires services. Commencer très jeune à intégrer l’idée que « l’autre » pied peut aussi avoir son utilité ne peut pas faire de mal.

Si le message a du mal à passer, n’hésite pas à lui montrer en boucle le fameux but « pied droit repoussé, pied gauche » de Pogba contre la Croatie.

La passe avant la patate

Une grosse mine dans les cages. C’est ce que ton enfant risque d’avoir le plus envie de pratiquer. Pourtant, avant de tirer des patates sur un gardien, il faut avoir pris l’ascendant par un jeu de passe efficace.

Avant de vouloir développer sa puissance, il convient de peaufiner le geste juste. De même que l’on apprend à marcher avant d’apprendre à courir.

3. Pour la suite, adopter la bonne distance

Attends-toi à quelques émotions

Regarder la chair de ta chair évoluer sur un terrain risque d’éveiller en toi des sentiments complexes. Il convient de prendre garde à ce que nos réactions épidermiques n’aient pas un effet contre-productif sur nos enfants.

Détends-toi

Si tu as des trémolos dans la voix en évoquant avec tes enfants un bête entraînement de foot auquel tu as assisté, tu risques de les entraîner dans ton émotivité. L’émotion, a priori, ils n’en manquent pas. Essaie plutôt de calmer le jeu.

Félicite l’engagement, pas les bons coups

Les cours moments forts du jeu (une bonne passe, une course impressionnante, un arrêt, etc.) sont la récompense d’un engagement prolongé. Tâche de ne pas focaliser ton attention sur les bons coups, mais plutôt de commenter la qualité de l’engagement de ton enfant au cours du jeu.

Souviens-toi que le sport est une école

Le chemin qui mène au football professionnel est long. Par expérience, le franchissement des étapes qui mènent à la réussite sportive est complexe et passe par des choix difficiles, parfois risqués. Mais, quels que soient l’objectif et le résultat final, un parcours d’excellence sportive sera riche d’enseignements. Savoir s’astreindre à un entraînement et se fixer des règles pour accomplir des performances ? Ne me dis pas que tu ne souhaites pas ça pour tes enfants !

 

Par Fabien Bossuet, rédacteur invité
Fabien est préparateur physique de l'Olympique de Marseille. 41 ans, marié et père de 2 enfants. Après une riche carrière de prof d'EPS, d'entraîneur de foot, et de coach sportif, Fabien a gagné ses galons de préparateur physique dans le football professionnel qui l'ont fait voyager à travers le monde, et la France.

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Crédit photo : Vanessa Bumbeers