« Les dents de l’enfant » : un film d’horreur dont TU es la victime

L’appellation « dent de lait » est tellement mignonne. Ça évoque quelque chose de petit, de blanc, de doux. Et pourtant… Les jolies dents de tes enfants vont avoir des répercussions importantes et douloureuses sur ta vie de parent. Du supplice des premières dents au racket de la petite souris, voici quelque repères pour survivre aux angoisses bébé-dentaires.

L’attaque du sans-dent (ou pas)

La grande majorité des enfants naissent sans dent. Sauf 1 enfant sur 2000 (environ) qui, en poussant son premier cri, va dévoiler une ou plusieurs petites dents. Ça peut surprendre, mais ça n’est pas nécessairement le signe d’un problème sous-jacent. Il conviendra tout de même de consulter un dentiste pédiatrique pour prévenir les risques de blessures (quand on voit comme ils se charcutent le visage juste avec leurs ongles tout mous…) et d’étouffement (ces dents prématurées, à l’instar des cordonniers, ne sont pas forcément les mieux chaussées). On évitera pour l’heure de réfléchir aux conséquences sur l’allaitement

28 semaines plus tard

Dans les cas plus classiques, c’est vers les 5-6 mois de l’enfant que ses premières dents vont commencer à le travailler. Soit, en général, le moment où les nuits ont commencé à se normaliser. Tu re-dors à peu près, tu te détends, tu te dis que, ça va, c’est pas si dur la parentalité. Et là, paf. C’est reparti pour les multiples réveils nocturnes d’un bébé qui se demande avec horreur quel alien s’agite dans ses roses gencives.

En réalité, c’est la loterie. Pour certains bébés, ça passe tout seul. Un soir il n’a pas de dent, et le lendemain il te sourit à pleines dents. Pour d’autres, c’est des jours et des jours de bave à foison, joues écarlates et douleur manifestement intense. Affaiblis par tout ce travail, ils sont aussi plus sensibles aux virus de passage. Ce qui permet d’ajouter poussées de fièvre et nez bouché au programme des festivités.

Planning dentaire

En parlant de programme, voici l’agenda prévisionnel de sortie des dents de ton bébé :

  • De 4 mois à 1 an : 8 incisives (les dents dites « de devant »)
  • De 1 an à 18 mois : 4 premières molaires (les dents « de derrière », du coup)
  • De 18 mois à 2 ans : 4 canines (les dents pointues, et les plus douloureuses)
  • De 2 ans à 2,5 ans : 4 molaires qui restent

Soit un total de 20 dents. Il arrive que quelques molaires manquent à l’appel. Cela ne veut pas nécessairement dire que ton enfant aura des dents définitives en moins. On ne peut pas savoir. Faut attendre.

Atténuer la douleur

C’est surtout la nuit que la douleur va se manifester. Pourquoi ? Tout simplement parce que, de même que pour les adultes, la fatigue et le manque de distraction accentue la sensibilité des bébés. Voici un arsenal pour tenter de défendre ton précieux sommeil (et bien sûr réduire les souffrance de ton pauvre bébé) :

  • Les divers jouets à mâcher : il y a en a toute une variété, de Sophie la Girafe à l’anneau de dentition réfrigérable, en passant par l’anneau en bois bio et le chiffon mouillé. À toi de voir ce que tu préfères lui faire grignoter. Bien penser à le laver régulièrement et à prendre garde aux risques d’étouffement.
  • Les anti-douleurs : si l’enfant est vraiment en souffrance (et les parents vraiment fatigués) on peut passer aux médicaments anti-douleurs : Doliprane (surtout en cas de fièvre, et en respectant les dosages recommandés) ou Dolodent (mais certains spécialistes mettent en garde contre certains composants des gels de ce genre).
  • Le mouche-bébé : Pendant les poussées de dent, certains bébés bavent abondamment et sont plus susceptibles d’attraper des petits virus qui font couler du nez. Alors on mouche autant qu’on peut, pour les aider à respirer et éviter les complications.
  • L’homéopathie : Si on y croit, pourquoi pas ? L’avantage c’est que ça donne la satisfaction d’avoir fait quelque chose sans aucun risque pour l’enfant. Une petite fiole de Camilia, un biberon d’eau, et au lit !

Massacre à la brosse à dents

Qui dit « dent » dit « brosse à dents ». Il est conseillé d’ajouter le brossage de dent au rituel du couché dès l’apparition de la première dent. Ne serait-ce que pour installer l’habitude le plus tôt possible, et réduire la probabilité de futurs « naaaan je veux pas me laver les deeents ».

Une mini brosse à dent adaptée, un dentifrice spécial bébé, et il n’y a plus qu’à frotter. Le brossage va devenir un mini-rituel à lui tout seul, où rien ne devra manquer sous peine de colère apparemment inexpliquée, mais évitable. Mettre le dentifrice sur la brosse à dent, brosser les dents selon une méthode précise, cracher à tel ou tel moment, boire ou pas, s’essuyer la bouche de telle ou telle façon, etc.

Au fur et à mesure de sa croissance, l’enfant va vouloir et pouvoir devenir autonome sur certaines parties du rituel. Dès l’âge de 2-3 ans, on peut permettre à l’enfant de choisir sa brosse à dent et son dentifrice. « Tu veux goûter le dentifrice de papa ? Ok… Ah ben oui, ça pique. » Mais jusqu’à 6 ans le brossage en tant que tel devrait être effectué ou supervisé par un adulte, pour s’assurer de son efficacité.

Pense à présenter clairement la conséquence d’un brossage mal effectué : la carie. « Un gros bobo des dents qui oblige à aller chez le dentiste, le docteur des dents, qui mettra des outils dans ta bouche pour te soigner ». Ça devrait suffire à les motiver, sans non plus rendre trop terrifiante l’idée d’une visite chez le dentiste qui finira bien par arriver. Ton pédiatre pourra te conseiller sur ce point au moment des visites régulières prévues jusqu’à 6 ans.

Regarde les dents tomber

Entre 6  et 12 ans, les dents de lait vont progressivement tomber pour laisser la place aux dents définitives. La perte des dents est un thème récurrent des cauchemars d’adulte, mais les enfants le vivent eux comme un événement plutôt enthousiasmant.

So satisfying

On n’a pas forcément envie de s’en faire un collier, pourtant les dents de lait sont précieuses. Elles contiennent un stock de cellules souches de l’enfant, qui pourraient à l’avenir être utilisées pour traiter nombre de pathologies. Des essais cliniques de traitement à base de cellules souches sont en cours pour des centaines de maladies.

Mais stocker les dents dans une petit boîte (à l’ancienne) ne permet pas de conserver les fameuses cellules souches. Pour tenir le coup, elles doivent être extraites d’une dent fraîchement tombée, puis réfrigérées. Le procédé est interdit en France, mais il existe à l’étranger des « banques » spécialisées qui proposent ce service, comme La Future Health Biobank en Suisse. Ce n’est pas donné : 2480 euros pour 20 ans de stockage, sans aucune garantie que ces cellules présentent réellement un jour un bénéfice thérapeutique. C’est plus cher que la petite souris…

L’heure de la souris

Comme si la satisfaction intense de la dent branlante qui finit par se décrocher (encore mieux qu’arracher une croûte) ne suffisait pas, les enfants ont pour la plupart droit au cadeau bonus de la Petite Souris. Tu mets la dent sous ton oreiller et, pendant ton sommeil, une Petite Souris (a.k.a. papa ou maman) vient l’échanger contre de l’argent.

Est-ce bien sain de faire croire aux enfants qu’une souris fait du trafic de dent de lait jusque sous leur oreiller ? Comme pour le Père Noël, ils n’y croient en réalité pas vraiment. Ils acceptent simplement de se voiler la face pour préserver la magie de ce mythe (et les entrées de cash associées).

Le mythe se porte d’ailleurs si bien que le cours de la dent ne cesse de monter. Une étude menée aux États-Unis a montré l’évolution suivante du prix moyen négocié par le rongeur contre une dent de lait :

Des enfants toujours plus pourris gâtés ? Un trafic de cellules souches caché ? En fait, en corrigeant la valeur d’une dent de chaque génération des effets de l’inflation (le trait rouge), on s’aperçoit que les générations X et Y ont été lésées par rapport aux baby-boomers, et que la bulle des dents génération Z rattrape tout juste la valeur réelle offerte aux baby-boomers quand ils étaient enfants.

On est d’ailleurs en droit de se demander si le format « monétaire » ne sera pas bientôt ringardisé. À quand une transaction dématérialisée ? Une blockchain de la dent de lait ? On ne doute pas que la Petite Souris saura inventer des méthodes créatives pour continuer à nous racketer.