Ou comment te la couler douce grâce à tes (beaux-)parents
Hier après le goûter, tu as annoncé aux enfants qu’ils passeraient la semaine suivante chez leurs grands-parents. Rongé par la culpabilité (l’idée même de cette semaine sans enfants doublée d’une escapade en amoureux te retourne les tripes), tu as lancé la nouvelle avec un enthousiasme sur-joué. Or non seulement les enfants n’ont pas fait de crise de nerfs (Elsa a quand même exprimé quelques inquiétudes à propos des araignées de la maison de mamie) mais ils ont sauté de joie (surtout Basile, qui en a envoyé valdinguer une assiette de coquillettes). Résultat, tu es passé de la culpabilité à la jalousie. C’est mieux chez papi et mamie, c’est ça ?
Les relations familiales, c’est compliqué, surtout quand il s’y mêle du transgénérationnel, du « je suis ton père après tout » sur plusieurs générations à la fois. Un conseil, ravale tes rancœurs adolescentes et passe outre. Cela fait des millénaires que l’espèce humaine utilise les grands-parents pour survivre. Il paraît même que la garde d’enfant par l’avant-dernière génération serait un avantage compétitif de l’humanité biologiquement programmé.
« L’espèce humaine doit tout aux grands-mères. »
Cette affirmation étonnante découle d’une théorie scientifique appelée l’Hypothèse de la Grand-mère. Des chercheurs anthropologues ont validé par le biais de simulations mathématiques que la ménopause des femmes est un trait biologique favorable à la propagation de l’espèce humaine, qui aurait ainsi été sélectionné au cours de notre évolution. Le fait que l’espérance de vie des femmes soit bien supérieure à leur âge limite de fécondité permet en effet de :
- Réduire le risque de mortalité féminine lié à la grossesse et à l’accouchement
- Faire bénéficier la tribu d’un contingent de femmes libérées de la tâche de reproduction et disponibles pour s’occuper des petits-enfants, laissant du temps aux jeunes mères pour participer à la quête de nourriture pour la famille
- Et ainsi maximiser les chances de survie de tous
L’arme secrète d’Homo sapiens contre les bandes rivales d’hominidés, ce n’est pas le silex, c’est mémé.
Et si les théories de l’évolution ne suffisent pas à te convaincre, les pédopsychiatres enfoncent le clou : les grands-parents (en tout cas ceux qui possèdent un certain degré de responsabilité) peuvent jouer un rôle majeur dans le développement infantile. Et dans l’amélioration de ton quotidien. Et figure-toi que les petits-enfants, aussi, font du bien à leurs grands-parents.
L’intérêt des grands-parents… pour les enfants
Le bien-être des enfants, c’est bien sûr notre objectif à tous. C’est pourquoi tu es là, en train de lire Le Paternel planqué dans les toilettes. On t’informe donc très sérieusement que tes parents peuvent participer au bon développement de tes enfants.
Pourquoi ? Car en passant du temps avec leurs grands-parents, les enfants :
- prennent conscience des notions d’héritage familial, de génération, d’expérience, ce qui ancre leur développement dans le temps et le respect des anciens
- évoluent un peu plus librement au sein d’un cadre familier et (normalement) sécurisant
- se confrontent à des adultes qui possèdent un rôle à part, libéré (au moins en partie) du fameux jeu du « et si je re-re-testais les limites de l’autorité de mes parents »
- interagissent avec (ou torturent) des adultes qui ont plein de temps à leur consacrer
- peuvent discuter de tout un tas de choses formidables, comme le métier qu’il feront plus tard (idée suggérée par le site Grand-Mercredi, dédié à la grand-parentalité)
« Papa papa papa ! » « Oui mon enfant ? » « Quand je serai grand, je veux être gardien de phare. » Réflexion faite, l’orientation professionnelle, il vaut peut-être mieux t’en charger.
L’intérêt des grands-parents… à s’occuper de leurs petits-enfants
Ne te culpabilise pas, il ne s’agit pas d’une BA de leur part. Déjà, c’est eux qui ont commencé à avoir des enfants. Et puis, tu rends en fait service à tes parents en leur refourguant leurs petits-enfants. Pourquoi ?
- Parce qu’ils répètent sans cesse qu’ils ne savent pas quoi faire de leur temps (et qu’ils peuvent tranquillement partir en voyage en dehors des vacances scolaires)
- Parce que s’occuper d’un enfant, c’est source de jeunesse
- La preuve, en courant derrière ou avec tes enfants, ils se maintiennent en forme
- La preuve, en répondant aux rafales de questions et à leur besoin insatiable de jouer, ils entretiennent leur mémoire et leur imagination et réduisent leur risque de souffrir de maladies comme Alzheimer
- Et puis c’est de l’amour en barre. Et l’amour en barre, à l’inverse des barres chocolatées, c’est forcément bon pour la santé
L’intérêt des grands-parents… pour les parents
Toi aussi, tu y gagnes. C’est ça qui est beau. Non seulement tu confies tes enfants à des personnes de confiance, gratuitement et à la demande, mais tu sais désormais que tout le monde y trouve son compte.
Ferme les yeux et imagine. Avoir enfin du temps à consacrer à ton couple ou à refaire la salle de bain, sans arrière-pensées, car tu sais au fond de toi que tes enfants profitent de ces importants moments avec leurs grands-parents. Te voilà en train de refaire le joint de la baignoire, le sourire aux lèvres et une bière à la main, impatient déjà de revoir ta progéniture.
On sonne à la porte d’entrée, ils arrivent ! Enfin !
La bouche couverte de chocolat.
Réclamant le dessert avant le dîner, comme « chez mamie ».
…
Ah oui, voilà le point qu’il restait à aborder. Passer du temps hors de la maison, c’est apprendre de nouvelles règles. Tes propres parents vont, malicieusement ou innocemment, saper les principes d’éducation que tu as si patiemment élaborés. Oui, c’est dur. Mais autant l’accepter : les enfants expérimentent tôt ou tard la relativité des règles. Chez le coiffeur, on mange trop de bonbons. Dans la cour d’école, dire « caca » c’est rigolo. Chez leur meilleur(e) ami(e), on peut regarder la télé. Etc.
Ce n’est finalement qu’une subtilité supplémentaire de la vie à leur « expliquer ».
Photo : Flickr