Apprendre à skater rend la ville beaucoup plus intéressante.
De la même façon qu’apprendre à surfer rend le fait d’habiter à côté d’une plage plus intense tout au long de l’année. L’océan n’est plus seulement un endroit où se baigner quand on a trop chaud l’été. Cela devient une aire de jeu, accessible toute l’année (quand les conditions sont ok, et avec une bonne combinaison).
Alors, quitte à imposer à ses enfants de grandir en ville, autant leur apprendre à surfer les rues, man (✌️). Ça marche aussi à la campagne. Le skatepark du coin est un très chouette endroit pour se faire des amis. Et des croûtes.
Car oui : c’est dur le skate. C’est pas comme la trottinette, accessible au premier marmot qui sait à peu près marcher. Voici donc 9 conseils pour faire apprécier à tes enfants ce sport ingrat pour les débutants, mais au final tellement kiffant. Dès 4-5 ans.
1. Ne lésine pas sur les protections
Le goudron, non seulement c’est dur, mais ça rape. Alors, pour éviter les bobos qui risqueraient de les dégoûter de cette dangereuse planche sur laquelle tu insistes pour les faire tenir debout, prends le temps d’acquérir (vite fait) et de leur enfiler à chaque fois (fastidieux) :
- un casque,
- des protège-coudes,
- des protège-poignets
- des protège-genoux.
Avec tout ça enfilé, ils ressemblent à des mini-CRS, mais c’est le prix à payer pour que 90 % des chutes deviennent indolores.
Oui, il reste un bon 10 % de chutes qui piquent. Prépare-les mentalement au fait qu’ils vont tomber (« C’est comme ça qu’on apprend »). Encourage-les à tomber autant que possible en mode roulade. Ça fait moins mal, comme au judo. Et accepte l’idée qu’il y aura quelques larmes. Cela fait partie du prix à payer pour progresser.
2. Offre-leur un GROS skate
La taille du skate n’est pas proportionnelle à la taille du skater. Elle est plutôt inversement proportionnelle à son niveau : plus tu débutes, plus ton skate doit être gros.
Bon, il faut quand même que ça reste un skateboard, pas un énorme plateau roulant du genre de celui qu’utilisent les déménageurs.
Mais oublie le mini-skate de la taille d’une chaussure d’adulte qu’on trouve dans beaucoup trop de magasins de jouets, et même de sport. Ça ne coûte pas cher, mais ça ne servira à rien d’autre qu’à décorer leur chambre.
Les roues peuvent être bien grosses aussi. C’est mieux pour passer sans encombre les obstacles urbains.
3. Choisis un lieu adapté
Pour bien démarrer, pas besoin de skatepark. Se confronter trop tôt à des skaters expérimentés risquerait même d’être contre-productif, soit en les intimidant (« mais je ne saurais jamais faire ça ! »), soit en leur donnant une idée un peu trop ambitieuse du résultat de leurs premières séances d’entraînement (« moi, je veux savoir faire sauter le skate, sinon j’arrête »).
Il te faut donc un lieu qui combine les caractéristiques suivantes.
- Un sol suffisamment lisse : goudron bien « serré » (je ne sais pas quel est le terme technique pour distinguer le goudron lisse du goudron à grumeaux), dalles bien ajustées (vérifie que ça roule bien sur les jointures, et repère les jointures plus difficiles pour les éviter) ou béton.
- Idéalement, un faux-plat : une légère pente peut faciliter l’apprentissage et rendre la pratique plus rapidement fun.
- À bonne distance des voitures (ou autre danger, genre voie ferrée ou falaise) : ça peut paraître évident, mais rappelle-toi que tu dois surveiller non seulement l’enfant sur le skate mais aussi le skate qui peut partir très vite suite à une chute. Laisse toi de la marge et apprends leur la règle de base : on ne court pas sur la route pour récupérer son skate. Un skate écrasé par une voiture, ça se remplace. Un enfant (ou un papa) écrasé par une voiture, c’est plus longtemps douloureux.
Autre règle de base, juste en dessous de la précédente en terme de priorité : le skater est responsable de son skate, et un skate peut faire très mal à quelqu’un. Donc on évite de faire partir son skate n’importe où et on le rattrape au plus vite (à l’exception des fois où le skate va sur la route).
4. Ne lâche pas leur main
Il doit y avoir dans l’histoire quelques cas exceptionnels d’enfants qui sont monté sur un skate et ont instantanément su tenir debout dessus et avancer. La probabilité que ce ne soit pas le cas de tes enfants est néanmoins très élevée.
Alors, pour toute les premières fois, apprends-leur que c’est un sport qui se pratique en tenant la main de papa.
5. Apprends-leur à placer leurs pieds
On est équipés, au bon endroit, on tient la main de papa. Maintenant il faut monter sur son skate.
Première question : quel pied mettre devant ? Autrement dit, cet enfant est-il goofy (pied droit à l’avant) ou regular (pied gauche à l’avant) ? Pour le savoir, demande à ton enfant de te tourner le dos, et pousse-le par surprise. Pas trop fort hein, même s’il a toutes ses protections le but n’est pas de l’éclater au sol. Le pied qu’il va utiliser pour se rattraper est le pied qu’il doit placer à l’avant de la planche.
Deuxième question : où et comment placer ses pieds ? Le plus simple est de se dire que les pieds doivent être placés au niveau des trucks (le truc entre la planche et les roues), centrés dans la largeur et perpendiculaires au skate.
En réalité, les pieds peuvent placés être un peu plus vers l’arrière, en particulier le pied arrière un peu posé sur le kicker (le truc qui remonte à l’arrière). Et ils peuvent être légèrement orientés vers l’avant. Après, c’est du feeling (man ✌️).
Pour aider l’enfant à monter sur le skate, positionne toi du côté où tu seras face à lui, bloque une roue avec ton pied pour que le skate ne puisse pas bouger, prends lui la main arrière et fais lui placer ses pieds comme on a dit.
Complète le tout avec ces deux instructions que tu vas répéter 432 765 fois pendant les séances d’entraînement à venir :
- « Regarde » dans la direction où tu vas avec tes épaules (comme tu lui tiens la main arrière, cela devrait se faire assez naturellement).
- Plie les genoux, c’est la base pour que le skate suive les instructions que lui donnent tes épaules, sinon il n’écoute rien.
Et voilà, ton enfant commence à avoir l’air d’un skater.
6. Promène-les sur leur planche
Ça commence sur votre lieu d’entraînement. Fais des aller-retours en tirant l’enfant par la main. Apprenez ensemble à repérer comment modifier la trajectoire du skate : comme tu tiens sa main arrière, tu peux le faire partir vers la droite ou la gauche en tirant sa main vers l’arrière ou l’avant (cela dépend si l’enfant est goofy ou regular). Cela marchera mieux si ses pieds restent bien placés et s’il plie bien les genoux.
Une fois que vous serez à l’aise sur votre lieu d’entraînement, vous pourrez commencer à vous promener sur les trottoirs pour y aller. Fais bien attention aux cassures et repérez ensemble comment le skate se comporte pour monter tel ou tel trottoir rabaissé (ça ne passe pas tout le temps, et cela peut entraîner des arrêts brutaux et des bras légèrement tordus au rattrapage).
Si l’enfant prend bien le coup, tu viens de débloquer une nouvelle capacité : marcher un peu plus vite en ville parce que l’enfant roule au lieu de traîner les pieds.
Et si tu skates aussi, tu peux commencer à skater en le tirant. Un mignon attelage qui ne manquera pas de t’attirer des regards admiratifs. Sauf quand vous vous exploserez tous les deux par terre parce que vos skates se sont croisés au autre obstacles mal géré, et que l’enfant sera en pleur tandis que tu tâcheras de récupérer vos planches sans te faire écraser. Ce qui ne manquera pas d’arriver.
Sur cette phase, souviens-toi bien que l’enfant n’a pas encore appris à s’arrêter. Tu as donc l’entière responsabilité de la maîtrise de sa vitesse. Il vaut donc mieux éviter de le lâcher à ce stade.
7. Laisse-les s’amuser
Tu l’auras remarqué : les points 5 et 6 ci-dessus sont assez denses en informations et en technique. Le point 8 qui suit en rajoute une couche. Les enfants n’ont pas une énorme capacité de concentration. Alors n’oublie pas de les laisser :
- utiliser leur skate comme une luge parce que ça fait moins peur (en faisant attention à ne pas se rouler sur les doigts),
- ou faire autre chose même si vous êtes venus skater.
C’est par la répétition de nombreuses petites séances que les choses vont progressivement rentrer. Si tu insistes trop pour faire un vrai entraînement à chaque fois que vous sortez le skate, tu risques de les dégoûter.
8. Apprends-leur à pousser
Maintenant que l’enfant est à l’aise pour se faire promener sur un skate, il est temps de lui ouvrir les portes d’un nouveau monde d’autonomie en lui apprenant à générer sa propre vitesse et à s’arrêter de lui-même.
Pour la prise de vitesse et le freinage, nouvelle position des pieds ! On n’a qu’un seul pied sur la planche, le pied avant (sauf si on pousse mongo, mais il vaut mieux apprendre à pousser normalement). Le pied est un peu plus au centre dans le sens de la longueur, et bien au centre dans le sens de la largeur.
Toujours en te tenant la main dans un premier temps, l’enfant peut s’entraîner à pousser par lui-même, à remettre ses pieds en position skate, puis de nouveau déplacer ses pieds pour freiner en posant son pieds arrière sur le sol.
Pour freiner, on ne pose pas son pieds sur le sol d’un coup. Sinon, ça bloque et badaboum. Non, on tapote son pieds pour freiner progressivement. Les plus doués arrivent à appliquer la bonne pression pour faire glisser leur chaussure et obtenir un freinage en douceur, mais vous n’en êtes pas forcément encore là.
En poussant comme en freinant, ne manque pas de leur rappeler qu’en cas de perte d’équilibre il suffit toujours de sauter du skate et courir à côté pour tout rattraper.
Petit à petit, tu vas commencer à lancer l’enfant pour lui donner de la vitesse et qu’il s’arrête lui-même. Et il va commencer à savoir de mieux en mieux se donner de la vitesse. Ça prendra très probablement des mois, voire des années. Mais c’est un super exercice d’équilibre et de coordination qui lui servira dans d’autres pratiques de glisse (ski, surf) et aussi probablement dans sa pratique du sport en général.
9. Délègue aux grands du skatepark
Si tu as réussi à emmener ton enfant jusque là, ta mission est accomplie. Vous pouvez fièrement vous rendre au skatepark où il va se fixer ses propres défis. Et, solidarité sainte de l’artisanat, des skaters plus expérimentés ne manqueront pas de repérer ses efforts et de venir lui donner des conseils.
Et voilà. Un nouveau monde de glisse et de copains/copines s’ouvre à ton enfant.
Même si les étapes 1 à 8 te semblent fastidieuses, profites à fond de ces moments de transmission. Car, bientôt, ça ne sera plus toi l’expert.
🎁 Bonus : Petite démo de skate par l’auteur de cet article et ses enfants sur Instagram (et aussi un peu d’évolution de la paternité à travers l’histoire)
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