Changer le monde, d’accord. Mais Comment ?
En 2020, la France a vécu une dizaine de semaines de confinement. On nous avait prédit que cette pause (haha) nous permettrait de prendre du recul pour préparer un monde d’après plus durable et solidaire. Mais on n’avait pas eu le temps. Le combo « enfants à plein temps + télétravail », ça occupe. Trop. Et quand on est débordé, on ne change pas le monde. Au contraire, on se rabat sur le statu quo.
Alors c’est fichu ? Pas de monde d’après ? Juste ce bon vieux monde d’avant, avec quelques crises en plus à gérer ? Peut-être. On te laisse en débattre autour d’un verre avec tes ami/e/s sur les terrasses enfin rouvertes.
Mais, Covid ou pas, il reste un petit morceau du monde d’après sur lequel on peut espérer avoir une influence positive : nos enfants. Alors comment favoriser un comportement solidaire et généreux de la chair de notre chair ? Voyons ce que nous en disent la science et les expert/e/s.
1. On ne façonne pas un enfant
Avant de détailler les étapes de notre plan machiavélique visant à rendre le monde plus cool en le remplissant de futurs adultes sympas, souvenons-nous d’une chose : « l’enfant n’est pas un vase que l’on remplit, mais une source que l’on laisse jaillir. »
Cette intuition de Maria Montessori concernant les apprentissages pédagogiques se vérifie plus largement pour la construction du caractère et des valeurs d’un enfant : Selon une étude scientifique menée dans les années 80 sur une cohorte de vrais jumeaux élevés dans des foyers différents, la génétique expliquerait entre un tiers et la moitié de notre orientation politique.
Ce qui nous laisse quand même une bonne moitié à influencer, pour le meilleur bien sûr. Et on part plutôt sur de bonnes bases parce que…
2. Les enfants aiment être généreux
« L’homme est un animal social » disait Aristote. Et les réflexes d’altruisme développés pour favoriser la survie individuelle et collective s’observent dès le plus jeune âge.
Une étude de 2012 analyse ainsi le comportement d’un groupe d’enfants de 22 mois à qui l’on présente une marionnette gourmande et des gâteaux. Et qu’est-ce qui rend ces enfants le plus joyeux ? Rencontrer la marionnette ? Recevoir des gâteaux ? Non. Ce qui les enchante le plus, c’est de donner un gâteau à la marionnette. Et leur joie augmente encore si c’est leur propre gâteau qu’ils offrent à la marionnette. Un gâteau qu’ils auraient pu manger et qu’ils choisissent de sacrifier.
Une autre étude de 2017 menée sur des enfants de 3 à 6 ans a constaté que les enfants prennent rapidement conscience du plaisir que leur procure les actes de générosité. L’anticipation de ces sentiments positifs les encourage à se comporter de manière encore plus généreuse.
Alors comment cultiver ce penchant naturel pour la solidarité ?
3. La solidarité ne s’impose pas
Pour leur apprendre à apprécier de donner leur gâteaux et partager leurs jouets, on pourrait peut-être les obliger à le faire ? Comme ça, ils verront que c’est agréable et voudront recommencer.
Idée intéressante, qui a été testée par des chercheurs en 2013. Un groupe de 72 enfants de 3 à 5 ans se sont vus offrir un autocollant chacun. On leur a ensuite présentée une marionnette très triste, qui avait besoin d’être réconfortée. Une moitié des enfants a reçu l’instruction de donner leur autocollant à la marionnette. L’autre moitié a été laissée libre de le donner ou non.
Quelque temps plus tard, les mêmes enfants ont reçu 3 autocollants et on leur a présenté une nouvelle marionnette déprimée à consoler. Tous les enfants ont donné au moins un autocollant. Mais les enfants qui n’avaient pas été forcés à donner leur autocollant précédemment ont été deux fois plus nombreux à en donner 2 ou 3.
Les chercheurs en ont conclu qu’être forcé à accomplir un acte généreux perturbait l’apprentissage du plaisir d’offrir.
4. La générosité ne s’achète pas
Bon. Si on ne peut pas forcer la solidarité, on peut peut-être l’encourager par des récompenses ?
Cette idée aussi a été testée dans une étude de 2008. Des petits enfants de 20 mois ont été séparés en 3 groupes. Les enfants du premier groupe ont été habitués à recevoir une récompense matérielle quand ils rendaient service. Le second groupe a été habitué à recevoir des compliments. Le dernier groupe a été habitué à ne recevoir aucune récompense.
Tous ces enfants ont été ensuite placés dans une situation où ils étaient en mesure de rendre service à un adulte, en l’aidant à attraper un objet hors de sa portée. Les enfants du groupe « récompense matérielle » se sont révélés beaucoup moins coopératifs que ceux des groupes « compliment » et « aucune récompense ».
Offrir des récompenses matérielles n’aide donc pas les enfants à devenir généreux. Et c’est encore pire quand il s’agit d’argent : une étude menée sur des enfants de 5 à 8 ans a démontré que le simple fait de mettre les enfants dans un contexte « financier » (en les faisant jouer avec des pièces de monnaie) les rendait plus égoïstes et moins susceptibles de rendre service dans les exercices suivants.
5. La solidarité s’expérimente dans l’amitié
La solidarité ne s’impose pas. Elle ne s’achète pas. Alors quoi ? Peut-être qu’elle s’expérimente avec ses ami•es ? C’est possible, car que faut-il pour réussir à se faire des copines et copains, et les garder :
- Apprendre à gérer ses émotions négatives
- S’entraîner à décrypter les sentiments des autres
- Acquérir les bases de la conversation
- Savoir gérer les situations sociales complexes
- Préférer les activités coopératives
Autant d’exercices qui ne sont pas forcément des promenades de santé mais qui, une fois maîtrisés, permettront à l’enfant d’exprimer toute sa capacité de générosité avec ses ami•es pour la vie.
Pour en savoir plus, voir l’article 5 conseils pour aider ton petit enfant à se faire des copines et des copains 👈
6. La générosité se cultive dans la fratrie
Si tu as plus d’un enfant, tu sais que l’ambiance n’est pas toujours à la solidarité dans une fratrie. Réussir à insuffler plus de générosité entre frères et soeurs présente un double intérêt : d’une part, cela permet à tes enfants de développer encore leur caractère solidaire et généreux ; d’autre part, cela te fait moins de crises à gérer…
Adele Faber et Elaine Mazlish, deux éducatrices canadiennes de la fin du XXème siècle, ont écrit un livre de référence sur le sujet : Frères et soeurs sans rivalité. Sans entrer dans les détails de cet ouvrage fortement recommandé (et dont nous publierons un résumé à l’occasion), voyons un de leurs conseils qui résonne particulièrement avec le fait qu’on ne peut pas forcer un enfant à être généreux.
Quand tes enfants se disputent, évite de jouer l’arbitre : « Donne lui ce train », « rends-lui sa pomme » ou « partage tes gâteaux ». Au lieu de cela, commence par maîtriser en douceur les violences éventuellement amorcées, puis fais le point sur la situation : « vous voulez tou•tes les deux jouer avec le même jouet, donc vous êtes contrarié•es » ou « tout le monde veut de la pomme et il n’y en a qu’une seule ». Laisse les ensuite trouver par eux•elles-même une solution à leur problème (tu peux leur suggérer discrètement des idées, il faut juste maintenir l’impression que la solution vient des enfants).
À force de répétition de cet exercice, la fratrie devrait assimiler que partager/donner spontanément est plus agréable et efficace que hurler/taper.
7. On est plus facilement solidaire quand on se sait aimé
Pour favoriser le développement d’un adulte bien dans ses baskets, ouvert aux autres et donc capable de générosité, il n’y a rien de tel que l’attention et l’amour. De son papa, de sa maman, de ses papas, de ses mamans, et même de ses tontons/tatas/parrains/marraines, officiel•les ou spontané•es.
Alors tu sais ce qu’il te reste à faire si tu veux contribuer à un monde d’après plus généreux et solidaire : occupe toi d’un enfant, change le monde.
Et bonne fête à toutes les mamans 🤗
Photo : cottonbro