La capacité des parents à travailler « en équipe », quelle que soit leur situation maritale, est une clé pour le bon épanouissement de leurs enfants. C’est la conviction de Noémie Khenkine-Sonigo. Elle nous propose quelques idées pour naviguer entre les écueils classiques de l’harmonie éducative parentale :
La parentalité n’est pas une science exacte
Le parent est un aventurier des temps modernes. Le développement de l’enfant, son territoire d’exploration. Chaque décision éducative est comme un embranchement sur un chemin inconnu. Monter la colline de la bienveillance ? Couper à travers champs en hurlant ? Grimper dans l’arbre de l’humour ? Tout ça lancé à grande vitesse, bien sûr. Parce que l’éducation n’attend pas.

Pas de GPS pour nous indiquer la bonne direction. Pas de boule de cristal pour étudier l’impact de chaque décision sur l’avenir de nos enfants. Chacun analyse l’embranchement éducatif qui se présente et choisit sa voie à l’aune de sa propre éducation, de son tempérament, de sa culture, ou d’un truc qu’il a lu quelque part.
On croise les fesses et on y va !
L’exercice n’est déjà pas simple pour un seul homme (ou une seule femme), mais c’est encore plus compliqué pour deux parents de confronter leurs intuitions, et de parvenir à une vision commune. Or, si on ne se met pas d’accord sur un semblant de cap à suivre, on risque de tourner en rond.
On sait que 80% des couples se disputent en voiture et que la meilleure solution pour éviter la crise de nerf est de bien préparer son itinéraire. Alors voici une liste des embranchements éducatifs « à risque » (pour commencer à y réfléchir) et quelques conseils pour élaborer des décisions éducatives communes en toute sérénité.
Top 6 des intersections dangereuses (pour l’harmonie des parents)
1. La gestion des écrans et du numérique
« À quel âge ? Quel média ? Et les réseaux sociaux ? Sous quelle supervision ? »
Du parent « anti-technologie » qui interdit tout écran à la maison (« elle fera ce qu’elle veut quand elle aura 18 ans« ), au parent qui ne dirait pas non à un casque de réalité virtuelle à mettre sur la tête de l’enfant quelques heures par jour pour optimiser son éveil (« avec l’intelligence artificielle, il a un programme personnalisé, tu vois ?« ), il y a un vaste champ d’attitudes et de comportements.
On est à peu près certain qu’il y a le « bon écran » et le « mauvais écran ». Mais la limite entre les deux n’est pas simple à placer. Même si on peut trouver des recommandations officielles (sur drogues.gouv.fr, carrément), il y a la théorie, les contre-théories, et la pratique de nos enfants et de nos vies de famille.
2. Le suivi de la scolarité et des devoirs
La scolarité peut rapidement devenir un sujet de discorde parentale.
Faut-il privilégier A. l’école de la République, B. une école « alternative » qui s’adapte à notre enfant ou C. une école privée élitiste ? Si l’on choisit l’option B et/ou C, quel parent va vendre un rein pour financer la scolarité des enfants ?
Va-t-on suivre les devoirs nous-mêmes, faire appel à une aide extérieure ou refuser cette pratique archaïque des devoirs à la maison ?
Il peut être difficile de trouver un terrain d’entente lorsque les parents n’ont pas les mêmes conceptions de l’école, pas la même grille d’évaluation de la « réussite » de leurs enfants, pas les mêmes priorités budgétaires, ou pas les mêmes aptitudes personnelles pour suivre les devoirs des enfants (« une équation du second degré, c’est une équation ironique ?« )
3. Le style de parentalité et la gestion de l’autorité
Certains parents sont favorables à une éducation « à l’ancienne » qui privilégie le cadre et l’autorité, d’autres à une éducation « positive » ou « bienveillante », d’autres encore à un entre deux ou à des méthodes éducatives originales. Il est difficile de prétendre hiérarchiser les bienfaits de ces styles éducatifs sur le bien-être des enfants. En revanche, l’incohérence totale entre les styles éducatifs des parents peut créer une insécurité pour les enfants.
4. Le contrôle des sorties et des fréquentations
Pour que les enfants grandissent on doit apprendre en tant que parent à leur laisser de plus en plus de liberté. Mais les parents sont souvent en désaccord sur l’endroit où placer le curseur entre liberté et sécurité, entre autonomie et contrôle. Les ados (de 3, 7 ou 16 ans) savent très bien « jouer » des incohérences sur ces questions, mais finissent parfois par en souffrir eux-mêmes.
5. Les « sujets délicats » (séparation, maladie, mort, sexualité, harcèlement, etc.)
Quand et comment parler à nos enfants de sujets qui nous attristent, nous angoissent ou nous mettent mal à l’aise déjà en tant qu’adultes ? À quel âge et à quel niveau de détail expliquer comment on fait les bébés ? Comment annoncer une mauvaise nouvelle ? Que dire de l’existence du Père Noël ? Comment expliquer les attentats ?
Difficile d’anticiper les réactions de nos enfants sur ce genre de sujets. Alors pour éviter les « qu’est-ce que tu es allé lui raconter ?!« , mieux vaut peut-être esquiver les nouvelles questions compliquées pour prendre le temps d’en parler avec l’autre parent. Mais pas trop, parce que l’absence de réponse peut aussi être interprétée comme une réponse.
6. L’alimentation
La gestion de l’alimentation et des repas met en jeu notre propre vision du corps, de la santé, ainsi que des notions aussi vastes que le contrôle, la découverte, le plaisir et même l’écologie.
Faut-il manger pour vivre, ou vivre pour manger ? Entre le parent qui considère la nourriture comme un carburant nécessaire, et cuisine rapidement des choses faciles sans trop s’inquiéter du goût, et le parent gourmet qui aime passer du temps à cuisiner des plats élaborés, les débats peuvent être intenses, et avoir un impact sur le rapport à la nourriture des enfants.
Alors, comment on avance ?
À chacune de ces intersections éducatives, les parents peuvent appliquer quelques règles simples pour décider ensemble de la direction à suivre.
Communiquer
Parfois, on est d’accord sans s’en rendre compte. Et parfois, on n’est pas d’accord sans le savoir. Les « embranchements éducatifs » listés ci-dessus (et tous les autres sujets de désaccord éducatif potentiel que vous identifierez) méritent d’être régulièrement et posément discutés dans l’équipe parentale. Chaque parent pourra ainsi clarifier son opinion, et comprendre ce que pense l’autre.
Rationaliser
Une fois que l’on a exprimé son opinion sur tel ou tel sujet, il faut faire l’effort d’interroger ses intuitions, ses habitudes, ce que nous dictent nos « tripes ». En recentrant la conversation sur « pourquoi est-ce que telle ou telle décision constituerait ce qu’il y a de meilleur pour notre enfant ?« , on aligne les intérêts des parents. Et c’est apaisant (parfois).
Se renseigner
Sur un bon nombre de sujets, on trouve des recommandations officielles sur les sites des ministères concernés (par exemple pour les écrans, ou la nutrition) ou le carnet de santé. On n’est pas obligé d’être d’accord avec tout, mais ça peut donner une base de réflexion.
Se faire accompagner
Demander de l’aide, ce n’est pas être un mauvais parent, au contraire. Un spécialiste (médecin, psychologue, orthophoniste, nutritionniste, etc.) pourra guider les parents vers la résolution d’un blocage spécifique.
Si c’est la communication entre parents qui bloque, il existe aussi des solutions comme TEAM’PARENTS pour aider l’équipe parentale à fonctionner plus efficacement et sereinement. Parce que réussir à s’entendre et à appliquer une éducation cohérente (que les parents vivent ensemble ou séparés) est important à court et long terme pour la santé, physique et mentale, des enfants.
Par Noémie Khenkine-Sonigo, rédactrice invitée Ex-avocate en droit de la famille et maman, Noémie a fondé TEAM'PARENTS pour aider les parents, quelle que soit leur histoire ou leur situation, à trouver un mode de fonctionnement serein et harmonieux pour les enfants.
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Photo : Emma Bauso