7 minutes de lecture, ce n’est pas rien. Mais si ça peut te rapporter 10 millions de minutes de bonheur (oui, 20 ans, en minutes), c’est un bon investissement, non ?
- Planifier à 20 ans, ce n’est pas sacrifier sa spontanéité. C’est prendre le temps de comprendre ses ambitions communes, et se donner les moyens de les réaliser
- La méthode : Se projeter à 20 ans. Agir à 1 an
- Grille de lecture 1 : Quels modèles de partage de la charge parentale, pour quelles carrières des conjoints ?
- Grille de lecture 2 : Quelle compatibilité long terme de vos carrières, entre elles, et par rapport à vos objectifs de vie ?
La totale
Pourquoi est-ce que l’on devrait faire des plans à 20 ans ? On n’aurait pas plutôt intérêt à profiter du présent ? À laisser la vie suivre son cours au gré des opportunités – de travail, de fête, de voyage, d’apprentissage – que l’on décidera de saisir ?
Comme disent les vieux, « les jeunes, de nos jours, ils veulent tout » : un travail qui a du sens, des ressources suffisantes pour financer le niveau de confort et de loisirs qu’ils désirent, et des relations épanouies avec leur famille et leurs amis. Et bien ils ont raison, « les jeunes ».

Non seulement on veut tout, mais on veut toutes et tous tout (« Tootzetoostoo ! », nouveau cri de guerre). Pères et mères peuvent avoir l’ambition d’une grande carrière. Mères et pères peuvent souhaiter construire une relation forte avec leurs enfants, ou s’occuper de leurs propres parents. Pères et mères peuvent désirer s’accomplir dans la pratique d’une passion.
Chacune de ces choses prend du temps. Et le temps, surtout quand on est en couple avec des enfants, c’est précieux. Il faut le partager équitablement et efficacement. C’est la clef pour se donner le maximum de chances d’atteindre les aspirations communes du couple, et personnelles des conjoints.
Alors, on en parle de ces 20 prochaines années ? Voici 3 « outils » (1 méthode inspirée par Facebook et 2 grilles de lecture empruntée à Avivah Wittenberg-Cox) qui devraient t’aider à rentrer dans le vif du sujet.
1. Un horizon à 20 ans, mais de l’action à 1 an
Facebook offre à ses nouvelles recrues un livre présentant la vision de l’entreprise :

La planification à long terme pour un couple, c’est pareil. De nombreux événements échappent à notre contrôle, et nos envies évoluent. Malgré tout, tu as aujourd’hui une idée assez précise de ce à quoi tu aspires à long terme, pour toi et ta famille. Et tu pourrais définir des actions personnelles et professionnelles pour les mois à venir, qui vous rapprocheraient de ces objectifs.
Tous les 6 mois, pour un couple, c’est probablement un peu intensif. Tous les ans, c’est mieux. Et puis dans 30 ans, on sera trop vieux. Partons sur 20 ans.
Chaque année donc, tu détermineras un moment (un dîner, un week-end en amoureux, les vacances d’été) pour discuter en couple de vos rêves communs et personnels. Rien n’est hors-sujet : les amis, la carrière, les lieux de vie, le soutien des enfants, la famille élargie, les hobbies, les animaux de compagnie etc. Quelques bouteilles de vin pourront vous aider à vous projeter.
Quand vous aurez tous les deux les larmes aux yeux à l’évocation du labrador courant sur la pelouse de votre maison de campagne*, il sera temps de passer au plan à 1 an. Où en sont vos boulots respectifs, vos passions ? Quels sont les besoins des enfants ? Comment est-ce que vous pourriez orienter vos carrières et ajuster votre mode de partage des tâches parentales pour vous donner plus de chances d’arriver ensemble à vos objectifs ?
Pour y voir clair dans vos options, tu trouveras ci-dessous 2 grilles de lecture : l’une sur le partage de vos responsabilités parentales, et l’autre sur la compatibilité entre vos carrières et vos objectifs de vie. On espère que ça sera utile, et que le dîner ne se conclura pas en eau de boudin, mais plutôt à l’eau de rose.
*Non ce n’est pas MON objectif à 20 ans, moi je préfère les briards.
2. Gérer les enfants : les modèles d’alternance de la charge parentale
Pas d’alternance (100%-0%)
C’est le modèle du « parent au foyer ». La mère on connaît bien. Le père, c’est plus innovant. Pendant ce temps, l’autre peut se dédier à son métier, 24 heures sur 24 s’il le faut. Et les plus jeunes enfants n’ont pas à être confiés à des nounous ou des crèches (ce qui est très mal vu dans certaines cultures).
Cette organisation, idoine pour les pompiers et les femmes agents secrets, a l’inconvénient de faire peser tout le risque financier de la famille sur un seul conjoint, et de mettre en situation difficile le « conjoint au foyer » en cas de séparation.
Alternance occasionnelle (70%-30%)
Ce modèle permet de faire cohabiter une carrière qui demande une grande disponibilité, mais permet quand même de respirer (quelques couches de bébé), et une carrière moins chronophage, ou aux horaires flexibles.
Il faut veiller à ne pas emprisonner le conjoint plus disponible dans l’idée que son activité est secondaire, de l’argent de poche ou un passe-temps, et ainsi limiter ses ambitions contre son gré conscient. Les frustrations inconscientes, c’est de la dynamite.
Alternance haute fréquence (50%-50%)
Quand les conjoints ont un rythme professionnel similaire, qu’il n’y a pas de raison de privilégier une carrière plutôt que l’autre, et que les deux professions sont compatibles avec le fait d’avoir la responsabilité des enfants, on alterne à haute fréquence.
Cela peut être sur la journée (matin-soir) sur la semaine (1 jour sur 2) ou sur la quinzaine (1 semaine sur 2). Avivah Wittenberg-Cox cite l’exemple d’un couple de PDGs, qui prenaient chacun une semaine pour s’occuper des enfants, et une semaine pour assurer les déplacements et mondanités de PDG.
Dans ce modèles, les conjoints sont au même niveau de maîtrise de la gestion des enfants. Ils se partagent efficacement les informations. Un peu comme des parents séparés en garde alternée en fait (mais ces derniers ont l’avantage de pouvoir utiliser l’application COOT, qui leur est dédiée).
C’est le top de la parité. Attention pour les doubles carrières particulièrement intensives à ne pas s’épuiser, et à trouver des moments à passer en couple de temps en temps.
Alternance basse fréquence (50%-50% mais sur 20 ans)
Probablement le format le plus perfectionné. Il consiste à passer d’un modèle d’alternance à l’autre en fonction de l’état de vos carrières respectives et des besoins de vos enfants.
Exemple : un couple en « alternance occasionnelle » décide qu’ils accepteront des promotions professionnelles chacun à leur tour, et qu’ils inverseront à chaque promotion la carrière considérée comme prioritaire pour permettre au conjoint qui vient d’accepter une promotion de se donner à fond dans son nouveau poste.
Autre exemple typique : le père décide de prendre 2 ou 3 mois de congé parental pour éviter à la mère de prolonger son congé maternité jusqu’à la rentrée de la crèche, parce qu’ils calculent ensemble que cela réduit l’impact cumulé sur leurs carrières (le père n’est pas trop pénalisé sur cette durée, et la mère évite une coupure trop longue avec ses collègues et sa profession).
3. Gérer vos carrières : en mode coopératif ou solo ?
Il peut être utile d’expliciter dans quelle mesure vos carrières sont liées, ou au contraire totalement indépendantes. Comment votre degré de proximité professionnel est-il amené à évoluer ? Auriez-vous intérêt, dans le contexte de vos objectifs long terme, à renforcer la coopération ou plutôt la capacité de chacun à progresser en solo ?
À chaque situation sa solution. Nous, on ne fournit que les questions.
Le mode coopératif
Les 2 conjoints font le même métier ou travaillent sur un projet commun. Exemples : le couple Clinton en politique, des entrepreneurs qui créent ensemble une entreprise, des huissiers qui se sont rencontré sur une saisie, etc.
- Avantages : Possibilité de se soutenir, de se conseiller mutuellement. Partage de réseau. Plus de chances de pouvoir se déplacer ensemble si l’un des conjoints a une opportunité de mutation
- Inconvénients : Tous ses oeufs dans le même métier – si votre industrie ou votre profession connaît une crise, toute la famille est concernée (pense à cette pauvre famille de chauffeurs de taxis). Risque de se comparer les carrières. Tentation de ne pas arrêter de parler boulot à la maison
Le mode solo
Les 2 conjoints ont des carrières diamétralement opposées, qui ont très peu de chance de se recouper. Exemples : Un homme politique et une directrice marketing, un clown et une avocate, etc. (je me demande si j’ai réussi à trouver des exemples vraiment opposés…)
- Avantages : Possibilité de compenser les risques et bénéfices potentiels de chaque carrière. Possibilité d’avoir des rythmes de travail différents. Vraie coupure entre le travail et la maison
- Inconvénients : Risque de ne pas pouvoir s’épanouir pleinement dans le même lieu géographique (une surfeuse pro et un banquier d’affaire, par exemple, n’auront pas d’autre choix que de s’organiser pour vivre à San Francisco). Risque de raréfaction des intérêts partagés
Il est toujours temps de « switcher »
On vit dans un monde où chacun peut se réinventer professionnellement chaque jour. Mais les bifurcations coûtent du temps, de l’argent et de l’énergie. Alors autant se poser régulièrement la question de la compatibilité long terme des carrières des conjoints avec vos objectifs, pour planifier tranquillement les ajustements nécessaires, en cohérence avec le mode d’alternance de responsabilité parentale sélectionné.
Exemple : si vous êtes certains à long terme de vouloir vous installer dans une petite ville où un conjoint est sûr de pouvoir exercer son métier mais où l’autre devra probablement se reconvertir, peut-être est-il déjà temps d’explorer quelques pistes de reconversion ?